Trois suggestions de résurrection…

La belle fête de Pâques nous invite à ressusciter, dès maintenant ! Si elle célèbre avant tout la résurrection du Christ, cette fête nous annonce en même temps la vocation de chacun à ressusciter après notre mort mais, de ce fait, la résurrection nous redit aussi la valeur, l’incroyable dignité de la vie humaine. La vie que Dieu nous donne est faite pour l’éternité ! Et c’est à cette dignité que nous pouvons dès maintenant commencer à ressusciter, Pâques devrait nous rappeler profondeur et la hauteur de chaque vie humaine, de la personne unique que nous sommes.
Trois pistes de résurrection pourraient être envisagées pour l’homme d’aujourd’hui : l’existence d’une unique vérité, la liberté de suivre cette vérité et le lieu de ce choix : notre conscience. Face au relativisme, au désir de ne froisser personne et d’éviter toute confrontation, il devient urgent de croire à
l’unicité de la vérité. Soit Jésus Christ est toujours mort, soit il est ressuscité mais il ne peut être les deux à la foi. Derrière les différents actes de foi, il y a forcément une partie de l’humanité qui se trompe, au moins en partie. Il ne peut y avoir qu’une seule vérité, de même que 2+2 ne peut être égal à 5
ni à 3. Cela implique donc un réel acte de liberté. Non pas de faire ce que je veux quand je veux mais de me positionner sur ces vérités. Quelles sont selon moi les vérités qui doivent orienter ma vie ? Une vraie liberté pour laquelle je m’interroge sur ce que je veux profondément (différent des désirs passagers). Et pour réfléchir à ces questions, pour y répondre personnellement et non par effet de mode ni téléguidé par des influenceurs ni encore en suivant la dernière opinion entendue, il me faut redécouvrir ma conscience, ce sanctuaire personnel, cet espace absolument privé où je peux prendre
un minimum de recul sur le monde.
Englués dans un désir de consensus mou, addict aux écrans et aux réseaux sociaux, nous risquons de rester en surface de notre vie véritable, de nous « éclater » dans le divertissement, mais en perdant ce qui fait notre beauté et notre unicité. Que cette fête de Pâques ressuscite ce qui fait de nous des êtres uniques, des êtres appelés à une vie pleinement humaine. Qu’en avançant vers la prochaine fête de l’Ascension, nous prenions de la hauteur pour davantage mesurer la beauté et l’exigence de l’aventure humaine proposée par le
Créateur.

Père Arnaud MOUGIN

La grâce de la miséricorde.

“Que diriez-vous à quelqu’un qui n’a pas l’impression d’être pécheur ? – Je lui conseillerais de demander cette grâce…le fait de se reconnaître pécheur est une grâce”. C’est le pape François qui répond cela dans un livre d’entretien* : c’est une grâce de ce se reconnaître pécheur ! Pourquoi ?

Avant tout, je dirais que ce n’est qu’en se reconnaissant pécheur que l’on peut goûter la miséricorde divine. Y a-t-il plus grande preuve d’amour que le pardon ? Bien sûr on ne va pas blesser l’autre pour savoir s’il est prêt à nous pardonner, et quand on le blesse, on tournicote toujours un peu avant de demander pardon… mais quelle grâce tout de même de voir, d’entendre l’ami nous pardonner, de constater qu’il croît suffisamment en nous, en notre histoire commune pour dépasser la faute et la trahison. Se sentir aimé à ce point est unique. Cela est vrai de l’ami mais plus encore de Dieu. Devant l’ami, je peux continuer à me dire que “s’il savait, s’il me connaissait vraiment, il ne m’aurait jamais pardonné” ; tandis que Dieu sait tout, Dieu me connaît parfaitement. Et Il me pardonne, en connaissance de cause. La confession est le lieu où l’amour de Dieu se manifeste de la façon la plus personnelle et la plus intime. C’est véritablement une grâce de goûter cet amour.

À un niveau plus humain, se reconnaître pécheur constitue aussi une grâce parce que ça me donne le droit de ne pas être parfait, le droit de me tromper, de chuter, de m’égarer. C’est tellement rare, l’erreur ou la faute sont tellement mal reçues aujourd’hui que j’en arrive parfois, souvent, à avoir cette exigence avec moi-même, voire même de l’intransigeance. Je m’en veux de ne pas correspondre à l’idée que je me fais de moi-même. Mais quel fardeau ! Quel poids à traîner ! Nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas de purs esprits suivant une logique parfaite. La matière trahit l’esprit : je tombe malade, je fatigue, je m’énerve, je perds du temps, je mens et je me mens parce que je ne veux pas reconnaître que j’ai chuté… Qu’il est doux à l’inverse de s’accepter tel qu’on est, de concéder, même du bout des lèvres, qu’on n’a pas réussi parfaitement. Quel soulagement lorsque l’on sort du carcan de la perfection. Et cela est possible parce que le Dieu qui sait tout, le Dieu qui juge est avant tout le Dieu qui pardonne. Si Lui me pardonne, pourquoi ne pas me pardonner, pourquoi rester enfermé dans ma tour d’ivoire ? C’est une véritable libération de s’accepter faillible, c’est une véritable grâce de se reconnaître pécheur.
Seigneur, donne-moi la grâce de me reconnaître pécheur.
P. Arnaud Mougin

Pape François, le nom de Dieu est miséricorde, Robert Lafont, p. 54

Bientôt le carême…

Cette année le carême arrive bien vite, dès le 14 février ! À part quelques saints, la plupart d’entre nous avançons sans beaucoup d’entrain vers ce temps de l’année liturgique. Peut-être qu’en s’y préparant, en cherchant à en voir le sens, nous le verrons arriver avec, sinon de l’enthousiasme, du moins un peu de curiosité et d’intérêt ?

L’idée n’est vraiment pas de se flageller ni de se dire que l’on est mauvais, pas à la hauteur, que nous sommes des bons à rien. Ce serait même un péché contre l’Espérance, une vision bien triste du Père éternel : un père n’attend jamais cela de ses enfants. Si nous sommes effectivement invités à confesser nos péchés, à nous reconnaître pécheurs, c’est d’abord pour être relevés par Dieu, pour entendre que la miséricorde de Dieu sera toujours plus grande que les plus tristes de nos péchés.

En effet, la joie du carême, car il y a bien une joie, c’est que le Christ sauveur nous rejoint là où nous sommes, Lui se fait petit, pauvre pour nous rejoindre, Lui va s’anéantir mais seulement pour venir nous prendre par la main, nous relever et nous emmener vers le Père. Une autre joie, encore une, est de pouvoir participer à ce “sauvetage” : non seulement nous pouvons être tirés de notre marasme par le Christ qui nous invite à vivre pleinement, mais nous pouvons, avec Lui, aller chercher ceux qui nous entourent pour les inviter à la vie. C’est une deuxième vraie raison de s’abaisser : se mettre au niveau de celui qui souffre, qui ne croit plus en lui, pour l’inviter, au nom du Christ Sauveur, à se relever. De même que le maître nageur doit plonger dans l’eau pour sauver le noyé, de même que le pompier se rue dans l’immeuble en feu pour aller chercher le malheureux encerclé par les flammes, on ne sauve pas le pécheur en lui faisant la leçon mais en le rejoignant par notre humilité dans son humble condition. J’imite, comme je peux, le Christ qui s’abaisse pour venir à tes côtés, te prendre par la main et te relever.

C’est ce à quoi nous invitera la vitrine (à gauche de la porte d’entrée de l’église), c’est ce que nous proposera aussi chaque vendredi à 12h30 le chemin de croix dans l’église : prendre conscience que le Christ veut nous rejoindre là où nous sommes pour qu’à notre tour nous puissions rejoindre nos frères là où ils sont, afin de se relever ensemble, avec et par le Christ.

Comme il serait beau que ce carême fasse grandir en chacun de nous, non pas une culpabilité paralysante mais une sollicitude féconde envers nos voisins de quartier, envers tous ceux qui se laissent prendre par le marasme ambiant et attendent nos mains tendues, notre annonce du Christ sauveur.

P. Arnaud

Bonne et sainte année à tous

Puisque 2024 sera marquée par les Jeux Olympiques à Paris, je prendrai quelques images sportives pour illustrer mes vœux aux habitants de la paroisse.

Tout d’abord je prie le Seigneur afin que personne ne reste “sur le banc de touche”. Je pense à toutes ces personnes qui vivent dans notre quartier, chrétiennes ou non, croyantes ou non, qui ont l’impression d’être à côté de la vie réelle, en attente d’être appelées à vivre ce pour quoi elles sont faites : rencontrer des personnes, échanger, rire, partager un souci,… (la communion fraternelle dans le langage chrétien). C’est une réelle et cruelle pauvreté : on peut aujourd’hui avoir de quoi se nourrir, un logement, exercer une activité professionnelle et être désespérément seul, être témoin de la “vie” parisienne et se sentir au bord du monde. Or, une grande partie de ces parisiens courent après des occupations, du remplissage de vide pour essayer de fuir leur solitude. Mais ni Netflix, ni la salle de sport ni même le métro bondé ne remplissent ce vide.

Mon premier voeu pour 2024 serait donc que la paroisse soit encore plus – j’ose croire qu’elle l’est déjà mais les besoins sont immenses – un lieu de vie, un lieu ou l’on peut venir rencontrer d’autres humains pour échanger quelques paroles, retrouver le B-A-BA de la vie sociale.

Une seconde image pourrait être la “troisième mi-temps”, le temps où ceux qui se sont dépensés, ont couru, ceux qui sont épuisés prennent enfin le temps de souffler. Et là je pense à ceux qui sont pris dans le tourbillon parisien, la tornade du travail, auxquels viennent s’ajouter tout un tas d’activités, de rencontres, d’amis à voir,… Là aussi la paroisse pourrait développer quelques propositions qui existent déjà. À côté des formations, des temps de prière ou des divers réunions, les salles servent parfois simplement à accueillir quelques familles qui veulent partager un goûter, des jeunes qui ont besoin d’une salle pour leur jeu de société, des enfants qui retrouvent des jeux d’enfants  comme les cabanes dans les arbres ou la bonne vieille corde à sauter…

Ces deux vœux se rejoignent, comme d’ailleurs les remplaçants du banc de touche qui retrouvent malgré tout les joueurs à la troisième mi-temps. Qu’il s’agisse de regarder ensemble un match, de déguster une bière ou de s’émerveiller des premières dents du petit-dernier, les “solitaires” et les “tourbillonés” se retrouveraient facilement ensemble.

Avec la grâce de Dieu, ces vœux ne sont peut-être pas si chimériques, ce sont des rêves que l’on devrait pouvoir réaliser. Dans les (quelques) réponses au questionnaire de l’avent, plusieurs personnes proposaient d’élargir à toute l’année les repas dominicaux du mois d’août. S’il s’agit simplement d’ouvrir les salles, d’un véritable partage de repas où chacun apporte une petite contribution, c’est tout à fait envisageable. On pourrait y inviter le voisin isolé, même s’il ne nous rejoint qu’après la messe ou pour le café. Ce n’est pas grand chose mais quand on se retrouve à être effectivement un hôpital de campagne, on va au plus urgent et je crois que l’urgence est là.

Je confie donc ces vœux au Seigneur, et à vous chers paroissiens, que la paroisse puisse contribuer, d’une façon ou d’une autre, à ce que l’année 2024 soit plus belle, plus humaine pour les habitants du quartier.

P. Arnaud

Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

L’avent est l’attente de la venue du Messie : à la fois rappel de la naissance du Christ et espérance de sa venue dans la gloire mais aussi attente de ce qui doit advenir aujourd’hui, de ce que Dieu pourrait faire pour moi ici et maintenant. Que puis-je donc demander à Dieu ? Être heureux bien sûr, mais de quelle façon ? Quel don est-ce que j’attends de Dieu pour être heureux ? Quel véritable cadeau de Noël puis-je demander au Christ ?

Cependant, comment attendre quelque chose d’un Messie si je ne sais pas ce que j’attends d’un simple prêtre ? La question posée dans le dernier édito m’a valu quelques belles réponses et des échanges intéressants, mais elle semble surtout en avoir laissé beaucoup perplexes, ou sans voix. Cette question manifestait simplement ma volonté d’être plus ajusté aux attentes, aux besoins des uns et des autres. Pour se donner en effet, mieux vaut savoir ce que les gens attendent ; et pour cela, autant leur demander. Je sais qu’une telle question demande du temps mais je me permets tout de même de la reposer.

Pour cela, nous pouvons la décliner aux différentes réalités de notre vie : qu’est-ce que j’attends d’un époux ou d’une épouse, d’un frère ou d’une sœur, de mes parents, de mes amis ? Et même, qu’est-ce que j’attends de moi-même ? Qu’est-ce que j’aimerais avoir fait dans 10 ou 20 ans, qu’est-ce que je voudrais avoir été au jour de ma mort ? Bref qu’est-ce que j’attends de la vie ? Ces questions devraient être celles de chaque avent, temps où l’on creuse l’attente de Dieu (avec Simone Weil). Mais en ces temps d’incertitude, de rêves brisés, cette question devient encore plus cruciale. Gustav Anders, après la bombe atomique, disait que « la possibilité d’une destruction totale détruit toutes les possibilités ». C’est effectivement un risque : devant les bouleversements et les effondrements de notre monde, ne plus oser espérer, ne plus oser croire en l’avenir.

Or c’est justement là que se situe l’espérance chrétienne : au-delà d’une paix de surface et des progrès technologiques, au cœur de la tourmente, qu’est-ce que j’attends profondément de mes proches, de moi-même, de ma vie ? Quel est mon cri vers Dieu, qu’est-ce que je demande au Christ de venir sauver ?

Qu’est-ce que j’attends, à Noël ou aujourd’hui, pour être heureux ?

P. Arnaud

A quoi sert un prêtre ?

Ce mois de novembre est inauguré par la solennité de la Toussaint, suivie aussitôt du jour de prière pour les défunts, occasions pour chacun de s’interroger sur le sens de notre vie, notre vocation, ou plus simplement notre mission là où nous sommes et dans la paroisse. Occasion pour moi aussi bien sûr de me demander, de vous demander, ce qu’on attend d’un prêtre, ce qu’une paroisse attend d’un curé. Cette question m’interpelle régulièrement depuis la rentrée.

En deux ans, j’ai appris le « boulot » de curé : aidé par les conseils pastoral et économique, par d’autres paroissiens, mais aussi épaulé par une équipe de curés parisiens et par mes frères de la Société Jean Marie Vianney, j’essaye de « faire tourner la boutique » (j’exagère volontairement cet aspect matériel). Seulement je me demande si c’est bien là le sens de la mission. En vue de quoi l’archevêque envoie-t-il un prêtre vers une communauté ? Quel est l’objectif, l’intérêt d’une formation de sept ans en philosophie et théologie, faudrait-il la remplacer par du management ou de la comptabilité ? Qu’est-ce qu’un paroissien attend, ou devrait attendre d’un curé ? Questions qui seront d’autant plus d’actualité que l’on aura moins de prêtres : on ne pourra plus réclamer un prêtre simplement parce qu’il y en a toujours eu un ; il y aura peut-être des choix à faire, des regroupements de paroisses… La question du sens du sacerdoce, du contenu de la mission du prêtre se reposera forcément, et elle se pose déjà.

Donc je vous pose la question, qu’attendez-vous d’un prêtre ? Un peu plus j’espère qu’un intendant des bâtiments et qu’un webmaster du site Internet. Mais peut-être pas seulement un « distributeur de sacrements ». La réponse n’est pas évidente, y compris pour moi, mais elle doit être posée et sans doute sans cesse reposée et réévaluée. Notre histoire personnelle peut nous aider à y répondre : quelles rencontres ai-je eu avec des prêtres, dans quel moment un prêtre m’a-t-il vraiment aidé, que m’a-t-il apporté de spécifique que je n’aurais pas reçu ailleurs ? Et s’il faut se détacher d’un cliché ou d’une caricature trop marquée du prêtre, on peut aussi se demander ce qu’on attend d’un « homme de Dieu ».

Posez-vous ces questions, échangez en famille, entre amis, partagez vos réponses cela m’aidera et surtout nous aidera à nous recentrer sur l’essentiel. Cela nous aidera aussi à mieux comprendre ce qu’une paroisse peut apporter au quartier puisque, comme j’ai déjà pu rapporter ces mots du cardinal Lustiger : ce qu’un prêtre apporte aux chrétiens, le chrétien l’apporte au monde.

Merci d’avance de vos éclairages.

P. Arnaud

Accueillir la communauté sourde !

Pour être honnête, je me suis demandé plus d’une fois ce qui m’était passé par la tête lorsque j’ai répondu “pourquoi pas ?” au vicaire général qui me disait que le diocèse cherchait un prêtre accompagnateur de la communauté sourde. Notamment lors des semaines de cours intensifs où l’on réalise que l’apprentissage d’une langue ne se fait pas, à 50 ans, avec la célérité du collégien de 12 ans…  Que suis-je donc allé faire dans cette galère ? Sauf que la galère en question est quand même très sympathique ! Que ce soit les personnes sourdes de l’aumônerie, celles du Vicariat des Personnes Handicapées au diocèse, les enseignants (sourds également) de l’école Visuel, les autres élèves qui s’intéressent à cette langue pour des raisons très diverses, tous manifestent une belle solidarité et un accueil très chaleureux envers les entendants qui se forment. Et les personnes rencontrées pendant les cours, la plupart athées et d’horizons très (très) diverses, tous sont très heureux de découvrir que l’Eglise accueille activement la communauté sourde.

Tout cela pour vous dire que, malgré quelques inquiétudes (passagères !) sur mes capacités d’apprentissage, je suis persuadé que l’accueil de messes traduites en LSF (Langue des Signes Française) constitue une véritable bonne nouvelle pour notre paroisse. Sans bien savoir comment tout cela se fera, j’ai l’intime conviction que non seulement la paroisse accueillera très chaleureusement nos frères et sœurs sourds mais que ce sera une grande source de grâces. Nous allons être déplacés, au sens propre comme au figuré. Il faudra en effet leur laisser les places juste devant l’ambon afin qu’ils voient le mieux possible l’interprète, mais nous serons aussi interpellés, peut-être même bousculés – espérons-le – par leur témoignage de foi, par leur vitalité (dont je suis déjà le témoin ébloui) et surtout par cette capacité à dépasser le handicap. Là où la parole semble à première vue bloquée (et ce n’est pas rien la parole pour un chrétien), la difficulté est dépassée par une inventivité, une créativité tout à l’image de Dieu. Ce qui devait entraver la vie, la limiter vient finalement réveiller des capacités inespérées, des facultés insoupçonnées dans l’homme. La vie est décidément plus forte que la mort, cette vie donnée par Dieu sait se frayer mille chemins lorsqu’un obstacle survient.

Si certains, dont nous faisons trop souvent partie, ont des oreilles et n’entendent pas(Ez 12, 2 ; Jr 5, 21), nous allons voir de nos yeux que ceux qui n’ont pas ce précieux sens de l’ouïe savent parfaitement entendre la Parole de Dieu et qu’ils ont en plus l’audace et la joie pour la mettre en pratique (Jc 1, 22). Que le Seigneur soit béni pour cette belle grâce qui nous est donnée.

P. Arnaud

La foi catholique

« Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit »


Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur des choses visibles comme ce monde où s’écoule notre vie passagère, des choses invisibles comme les purs esprits qu’on nomme aussi les anges, et Créateur en chaque homme de son âme spirituelle et immortelle.


Nous croyons que ce Dieu unique est absolument un dans son essence infiniment sainte comme dans toutes ses perfections, dans sa toute-puissance, dans sa science infinie, dans sa providence, dans sa volonté et dans son amour. Il est Celui qui est, comme il l’a révélé lui-même à Moïse; et il est Amour, comme l’apôtre Jean nous l’enseigne : en sorte que ces deux noms, Être et Amour, expriment ineffablement la même divine réalité de Celui qui a voulu se faire connaître à nous, et qui, « habitant une lumière inaccessible », est en lui-même au-dessus de tout nom, de toutes choses et de toute intelligence créée. Dieu seul peut nous en donner la connaissance juste et plénière en se révélant comme Père, Fils et Esprit Saint, dont nous sommes par grâce appelés à partager, ici-bas dans l’obscurité de la foi et au-delà de la mort dans la lumière éternelle, l’éternelle vie.


Les liens mutuels constituant éternellement les trois personnes, qui sont chacune le seul et même Être divin, sont la bienheureuse vie intime du Dieu trois fois saint, infiniment au-delà de ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine. Nous rendons grâce cependant à la bonté divine du fait que de très nombreux croyants puissent attester avec Nous devant les hommes l’unité de Dieu, bien qu’ils ne connaissent pas le mystère de la Très Sainte Trinité.


Nous croyons donc au Père qui engendre éternellement le Fils, au Fils, Verbe de Dieu, qui est éternellement engendré, au Saint-Esprit, personne incréée qui procède du Père et du Fils comme leur éternel amour. Ainsi en les trois personnes divines, coaeternae sibi et coaequales, surabondent et se consomment, dans la surexcellence et la gloire propres à l’être incréé, la vie et la béatitude de Dieu parfaitement un, et toujours « doit être vénérée l’unité dans la trinité et la trinité dans l’unité ».


Nous croyons en Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est le Fils de Dieu. Il est le Verbe éternel, né du Père avant tous les siècles et consubstantiel au Père, homoousios to Patri, et par lui tout a été fait. Il s’est incarné par l’œuvre du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie et s’est fait homme : égal donc au Père selon la divinité, et inférieur au Père selon l’humanité et un lui-même, non par quelque impossible confusion des natures mais par l’unité de la personne. Il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité. Il a annoncé et instauré le Royaume de Dieu et nous a fait en lui connaître le Père. Il nous a donné son commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Il nous a enseigné la voie des béatitudes de l’Évangile : pauvreté en esprit, douceur, douleur supportée dans la patience, soif de la justice, miséricorde, pureté du cœur, volonté de paix, persécution endurée pour la justice. Il a souffert sous Ponce Pilate, Agneau de Dieu portant sur lui les péchés du monde, et il est mort pour nous sur la croix, nous sauvant par son sang rédempteur. Il a été enseveli et, de son propre pouvoir, il est ressuscité le troisième jour, nous élevant par sa résurrection à ce partage de la vie divine qu’est la vie de la grâce. Il est monté au ciel et il viendra de nouveau, en gloire cette fois, pour juger les vivants et les morts, chacun selon ses mérites; ceux qui ont répondu à l’amour et à la miséricorde de Dieu allant à la vie éternelle, ceux qui les ont refusés jusqu’au bout allant au feu qui ne s’éteint pas. Et son règne n’aura pas de fin.


Nous croyons en l’Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils. Il nous a parlé par les Prophètes, il nous a été envoyé par le Christ après sa Résurrection et son Ascension auprès du Père; il illumine, vivifie, protège et conduit l’Église; il en purifie les membres s’ils ne se dérobent pas à Sa grâce. Son action qui pénètre au plus intime de l’âme, rend l’homme capable de répondre à l’appel de Jésus : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».


Nous croyons que Marie est la Mère demeurée toujours vierge du Verbe incarné, notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, et qu’en raison de cette élection singulière elle a été, en considération des mérites de son Fils, rachetée d’une manière plus éminente, préservée de toute souillure du péché originel et comblée du don de la grâce plus que toutes les autres créatures.

Associée par un lien étroit et indissoluble aux mystères de l’Incarnation et de la Rédemption, la Très Sainte Vierge, l’Immaculée, a été, au terme de sa vie terrestre, élevée en corps et en âme à la gloire céleste et configurée à son Fils ressuscité en anticipation du sort futur de tous les justes; et Nous croyons que la Très Sainte Mère de Dieu, nouvelle Ève, mère de l’Église, continue au ciel son rôle maternel à l’égard des membres du Christ, en coopérant à la naissance et au développement de la vie divine dans les âmes des rachetés.


Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord dans nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumise à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché. Nous professons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, « non par imitation, mais par propagation », et qu’il est ainsi « propre à chacun ».


Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, par le sacrifice de la croix, nous a rachetés du péché originel et de tous les péchés personnels commis par chacun de nous, en sorte que, selon la parole de l’Apôtre, « là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé ».


Nous croyons à un seul baptême institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour la rémission des péchés. Le baptême doit être administré même aux petits enfants qui n’ont pu encore se rendre coupables d’aucun péché personnel, afin que, nés privés de la grâce surnaturelle, ils renaissent « de l’eau et de l’Esprit-Saint » à la vie divine dans le Christ Jésus.

Nous croyons à l’Église une, sainte, catholique et apostolique, édifiée par Jésus-Christ sur cette pierre qui est Pierre. Elle est le corps mystique du Christ, à la fois société visible constituée par des organes hiérarchiques et communauté spirituelle; elle est l’Église terrestre, le peuple de Dieu pérégrinant ici-bas et l’Église comblée des biens célestes; elle est le germe et les prémices du Royaume de Dieu, par lequel se continuent, au long de l’histoire humaine, l’œuvre et les douleurs de la Rédemption et qui aspire à son accomplissement parfait au-delà du temps dans la gloire. Au cours du temps, le Seigneur Jésus forme son Église par les sacrements qui émanent de sa plénitude. C’est par eux qu’elle rend ses membres participants au mystère de la mort et de la résurrection du Christ, dans la grâce du Saint-Esprit qui lui donne vie et action. Elle est donc sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce qu’elle n’a elle-même d’autre vie que celle de la grâce: c’est en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient; c’est en se soustrayant à sa vie qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté. C’est pourquoi elle souffre et fait pénitence pour ses fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ et le don de l’Esprit-Saint. Héritière des divines promesses et fille d’Abraham selon l’Esprit, par cet Israël dont elle garde avec amour les Écritures et dont elle vénère les patriarches et les prophètes; fondée sur les apôtres et transmettant de siècle en siècle leur parole toujours vivante et leurs pouvoirs de pasteurs dans le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui; perpétuellement assistée par le Saint-Esprit, elle a pour mission de garder, d’enseigner, d’expliquer et de répandre la vérité que Dieu a révélée d’une manière encore voilée par les prophètes et pleinement par le Seigneur Jésus.


Nous croyons tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel. Nous croyons à l’infaillibilité dont jouit le successeur de Pierre quand il enseigne ex cathedra comme pasteur et docteur de tous les fidèles, et dont est assuré aussi le Collège des évêques lorsqu’il exerce avec lui le magistère suprême.


Nous croyons que l’Église, fondée par Jésus-Christ et pour laquelle il a prié, est indéfectiblement une dans la foi, le culte et le lien de la communion hiérarchique. Au sein de cette Église, la riche variété des rites liturgiques et la légitime diversité des patrimoines théologiques et spirituels et des disciplines particulières, loin de nuire à son unité, la manifestent davantage.


Reconnaissant aussi l’existence, en dehors de l’organisme de l’Église du Christ, de nombreux éléments de vérité et de sanctification qui lui appartiennent en propre et tendent à l’unité catholique, et croyant à l’action du Saint-Esprit qui suscite au cœur des disciples du Christ l’amour de cette unité, Nous avons l’espérance que les chrétiens qui ne sont pas encore dans la pleine communion avec l’unique Église se réuniront un jour en un seul troupeau avec un seul pasteur.


Nous croyons que l’Église est nécessaire au salut, car le Christ qui est seul médiateur et voie de salut se rend présent pour nous dans son Corps qui est l’Église. Mais le dessein divin du salut embrasse tous les hommes; et ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église mais cherchent Dieu sincèrement et, sous l’influence de Sa grâce, s’efforcent d’accomplir sa volonté reconnue par les injonctions de leur conscience, ceux-là aussi, en un nombre que Dieu seul connaît, peuvent obtenir le salut.


Nous croyons que la Messe célébrée par le prêtre représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l’ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels. Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés par le Seigneur à la Sainte Cène ont été changés en son Corps et son Sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix, de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d’apparaître à nos sens de la même façon qu’auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle.


Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent. Ce changement mystérieux, l’Église l’appelle d’une manière très appropriée transsubstantiation. Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d’exister après la consécration, en sorte que c’est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin, exactement comme le Seigneur l’a voulu, pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l’unité de son Corps mystique.


L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel, s’est rendu présent devant nous.


Nous confessons que le royaume de Dieu commencé ici-bas en l’Église du Christ n’est pas de ce monde, dont la figure passe, et que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la civilisation, de la science ou de la technique humaines, mais qu’elle consiste à connaître toujours plus profondément les insondables richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens éternels, à répondre toujours plus ardemment à l’amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et la sainteté parmi les hommes. Mais c’est ce même amour qui porte l’Église à se soucier constamment du vrai bien temporel des hommes. Ne cessant de rappeler à ses enfants qu’ils n’ont pas ici-bas de demeure permanente, elle les presse aussi de contribuer, chacun selon sa vocation et ses moyens, au bien de leur cité terrestre, de promouvoir la justice, la paix et la fraternité entre les hommes, de prodiguer leur aide à leurs frères, surtout aux plus pauvres et aux plus malheureux. L’intense sollicitude de l’Église, épouse du Christ, pour les nécessités des hommes, leurs joies et leurs espoirs, leurs peines et leurs efforts, n’est donc rien d’autre que son grand désir de leur être présente pour les illuminer de la lumière du Christ et les rassembler tous en lui, leur unique Sauveur. Elle ne peut jamais signifier que l’Église se conforme elle-même aux choses de ce monde, ni que diminue l’ardeur de l’attente de son Seigneur et du royaume éternel.


Nous croyons à la vie éternelle. Nous croyons que les âmes de tous ceux qui meurent dans la grâce du Christ, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où elles quittent leur corps, Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le bon larron, sont le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort, laquelle sera définitivement vaincue le jour de la résurrection où ces âmes seront réunies à leur corps.


Nous croyons que la multitude des âmes qui sont rassemblées autour de Jésus et de Marie au paradis forme l’Église du ciel, où dans l’éternelle béatitude elles voient Dieu tel qu’il est et où elles sont aussi, à des degrés divers, associées avec les saints anges au gouvernement divin exercé par le Christ en gloire, en intercédant pour nous et en aidant notre faiblesse par leur sollicitude fraternelle.


Nous croyons à la communion de tous les fidèles du Christ, de ceux qui sont pèlerins sur la terre, des défunts qui achèvent leur purification, des bienheureux du ciel, tous ensemble formant une seule Église, et Nous croyons que dans cette communion l’amour miséricordieux de Dieu et de ses saints est toujours à l’écoute de nos prières, comme Jésus nous l’a dit : Demandez et vous recevrez. Aussi est-ce avec foi et dans l’espérance que Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir.


Béni soit le Dieu trois fois saint. Amen.


Bienheureux Paul VI (1897-1978) – le 30 juin 1968