La grâce de la miséricorde.

“Que diriez-vous à quelqu’un qui n’a pas l’impression d’être pécheur ? – Je lui conseillerais de demander cette grâce…le fait de se reconnaître pécheur est une grâce”. C’est le pape François qui répond cela dans un livre d’entretien* : c’est une grâce de ce se reconnaître pécheur ! Pourquoi ?

Avant tout, je dirais que ce n’est qu’en se reconnaissant pécheur que l’on peut goûter la miséricorde divine. Y a-t-il plus grande preuve d’amour que le pardon ? Bien sûr on ne va pas blesser l’autre pour savoir s’il est prêt à nous pardonner, et quand on le blesse, on tournicote toujours un peu avant de demander pardon… mais quelle grâce tout de même de voir, d’entendre l’ami nous pardonner, de constater qu’il croît suffisamment en nous, en notre histoire commune pour dépasser la faute et la trahison. Se sentir aimé à ce point est unique. Cela est vrai de l’ami mais plus encore de Dieu. Devant l’ami, je peux continuer à me dire que “s’il savait, s’il me connaissait vraiment, il ne m’aurait jamais pardonné” ; tandis que Dieu sait tout, Dieu me connaît parfaitement. Et Il me pardonne, en connaissance de cause. La confession est le lieu où l’amour de Dieu se manifeste de la façon la plus personnelle et la plus intime. C’est véritablement une grâce de goûter cet amour.

À un niveau plus humain, se reconnaître pécheur constitue aussi une grâce parce que ça me donne le droit de ne pas être parfait, le droit de me tromper, de chuter, de m’égarer. C’est tellement rare, l’erreur ou la faute sont tellement mal reçues aujourd’hui que j’en arrive parfois, souvent, à avoir cette exigence avec moi-même, voire même de l’intransigeance. Je m’en veux de ne pas correspondre à l’idée que je me fais de moi-même. Mais quel fardeau ! Quel poids à traîner ! Nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas de purs esprits suivant une logique parfaite. La matière trahit l’esprit : je tombe malade, je fatigue, je m’énerve, je perds du temps, je mens et je me mens parce que je ne veux pas reconnaître que j’ai chuté… Qu’il est doux à l’inverse de s’accepter tel qu’on est, de concéder, même du bout des lèvres, qu’on n’a pas réussi parfaitement. Quel soulagement lorsque l’on sort du carcan de la perfection. Et cela est possible parce que le Dieu qui sait tout, le Dieu qui juge est avant tout le Dieu qui pardonne. Si Lui me pardonne, pourquoi ne pas me pardonner, pourquoi rester enfermé dans ma tour d’ivoire ? C’est une véritable libération de s’accepter faillible, c’est une véritable grâce de se reconnaître pécheur.
Seigneur, donne-moi la grâce de me reconnaître pécheur.
P. Arnaud Mougin

Pape François, le nom de Dieu est miséricorde, Robert Lafont, p. 54