Un  carême pour goûter l’intériorité

“retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte…”. Voici l’injonction que nous entendrons le mercredi des cendres. Qui n’a jamais souhaité, au milieu du fracas parisien, se retirer ainsi dans sa chambre, au calme ? Certes peut-être plus pour s’écrouler dans un fauteuil ou un lit que pour prier le Père comme le suggère la fin de la citation mais je reste un grand adepte du pas à pas : avant de prier le Père “qui est là dans le secret”, la première étape reste de savoir se retirer dans sa chambre. Christine Pellisatrandi nous rappelle qu’avant de se convertir il faut prendre conscience du mal que nous avons fait, Catherine Buc nous redit l’importance au catéchisme, du moment de silence avant la prière et on devine aisément, dans l’article de Françoise Colin Manderrscheid, le jeune Ratzinger préférant les sonates de Mozart aux batteries de défense anti-aérienne. Le carême pourrait donc être une occasion de retrouver le goût du silence, de ces moments calmes et apaisés.

On en rêve ? Oui bien sûr mais sait-on prévoir, organiser ces moments ? Ou même seulement les saisir lorsque l’occasion se présente ? On en rêve mais bien souvent, comme le fils prodigue, il faut y être acculé pour enfin prendre le temps de “rentrer en soi-même”. Car ce n’est pas si simple de se retrouver seul avec soi-même. Certains en ont même peur : à ne plus se fréquenter soi-même, à courir sans cesse dans un monde tonitruant, on peut s’inquiéter de ce que l’on découvrirait dans le silence, de ce que pourrait chanter la “chanson bien douce” de notre conscience. Pourtant, quels que soient les nuages noirs des souvenirs peu édifiants qui reviennent, la foi doit nous rappeler qu’au fond, derrière ces sombres pensées, demeurera toujours l’amour miséricordieux du Père.

Osons donc ces temps de silence, préparons-nous à les retrouver, à les attendre même. Posons l’acte de foi que ce que voit le Père dans le secret est bien plus beau que ce qu’on pourrait imaginer ou craindre. Puisque nous ne sommes pas encore au carême, commençons seulement à repérer ce qui obstrue la porte de cette chambre, à identifier ce qui nous retient de nous y retirer pour être prêt, pendant le carême, à prendre ces temps de recul. Plutôt que de brûler nos rameaux de buis séchés, on pourrait brûler portables, écrans et autres objets d’addiction, ce serait certes un peu polluant mais, au moins symboliquement, il serait bon que les cendres que nous recevrons symbolisent un dépouillement, un déblaiement du chemin vers cette chambre retirée où le Père nous attend.

Pour nous aider à le vivre, nous nous appliquerons, pendant les messes du carême, à apprivoiser le silence en préservant plusieurs moments, après l’homélie et après la communion, de vrais silences.

P. Arnaud Mougin